CABINET PASCAL JOGO

MODES D’ACQUISITION DE LA PROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES

Le droit réel le plus important et le plus complet qu’un individu puisse exercer sur un bien est le droit de propriété. Il est définit par la constitution révisée du 18 janvier 1996 par son préambule comme le droit de jouir,d’user et de disposer des biens garantis à chacun par la loi. Nul ne saurait en être privé  si ce n’est pour cause d’utilité publique et sous la condition d’une indemnisation dont les modalités sont fixées par la loi. Le droit de propriété peut porter sur un bien meuble ou immeuble ; c’est ce dernier qui nous intéresse. Un bien immeuble est un bien immobile, un bien qui ne saurait être déplacé.L’exemple flagrant d’un tel bien est la terre,ou plus précisément le terrain.

La question qui se pose est celle de savoir comment l’on acquiert la propriété d’un immeuble. Ce sujet a un intérêtdidactique, dans la mesure où il permettra à toute personne intéressée de savoir comment elle peut devenir propriétaire d’un immeuble.

Nousallons, dans une première partie voir que la propriété d’un immeuble s’acquiert par immatriculation (I) et dans uneseconde, qu’il existe d’autres modes d’acquisition de la propriétéimmobilière (II).

  1. l’IMMATRICULATION, MODE PRINCIPAL D’ACQUISITION DE LA PROPRIETE D’UN IMMEUBLE

L’immatriculation est la procédure qui permet de dégager le droit de propriété foncier d’un individu de l’espace communautaire et à placer ce droit sous l’empire du livre foncier dont l’aboutissement est la délivrance au propriétaire d’un titre foncier. On distingue l’immatriculation directe (B) de l’immatriculation indirecte (A).

  1. L’immatriculation indirecte

Elle est indirecte parce qu’elle porte sur les terrains sur lesquels il existe déjà un titre foncier. Les hypothèses d’immatriculation indirecte sont prévues par les articles 22 à 29 du décret numéro 76 /165 du 27 Avril 1976 fixant les modalités d’obtention d’un titre foncier modifié par le décretnuméro 2005/481 DU 16 Décembre 2005 .Ces hypothèses sont les suivantes :

La cession : c’est l’hypothèse dans laquelle le propriétaire d’un terrain sur lequel il existe déjà un titre foncier cède, à titre gratuit ou onéreux tout son terrain à une autre personne qui en devient propriétaire. La cession d’un terrain entraine mutation du titre foncier au nom de l’acquéreur ; La résolution de la vente d’un  immeuble entraine mutation du titre délivré à l’acquéreur au nom du propriétaire du titre initial.

Le démembrement : c’est l’hypothèse dans laquelle le propriétaire d’un terrain sur lequel il existe déjà un titre foncier cède à titre gratuit ou onéreux, des parcelles de ce terrain à différents acquéreurs : on dit qu’il a démembré son terrain.Démembrement emporte morcellement du titre foncier initial au profit des différentsacquéreurs.Chacun des lots ou parcelles se verra établir un titre foncier distinct.

La fusion : c’est l’hypothèse dans laquelle des terrains voisins appartenant à différents propriétaires,chacun détenant sur son terrain un titre foncier sont désormais réunis entre les mains d’un seul propriétaire : on dit qu’il y’a fusion de terrains. Le désormais propriétaire unique détiendra un titre foncier qui va couvrir la superficie de tous les terrains réunis.

  • l’immatriculation directe

C’est celle qui porte sur les terrains du domaine national occupé ou exploité individuellement ou collectivement, mais non encore immatriculés. Elle est organisée par les articles 9 à 10 anciens et  11 à 20 nouveaux et 21 anciens du décret de 76 modifié par celui de 2005.Les personnes habilitées à immatriculer directement un terrain sont les collectivités coutumières (famille milliardaire, clan …), les ressortissants de cette collectivité coutumière, toute autre personne de nationalité camerounaise.

Toutes ces personnes peuvent obtenir un titre foncier sur les terrains qu’elles occupent ou exploitent à condition que l’occupation ou l’exploitation du terrain concerné soit le fait de celui qui demande l’immatriculation  et que cette mise en valeur soit située avant le 05 Aout 1974.Mais les textes n’ont pas précisés les formes et la taille de la mise en valeur.De simples traces d’occupation (une vieille case) ou d’exploitation (quelques bananiers) suffisent à établir la mise en valeur personnelle.

Les administrateurs des biens d’une succession ne peuvent pas obtenir en leur nom des titres fonciers sur les terrains de cette succession.

  1. LES AUTRES MODES D’ACQUISITION DE LA PROPRIETE D’UN IMMEUBLE

L’on peut aussi acquérir la propriété d’un immeuble par héritage : c’est l’hypothèse de la transmission pour cause de mort, par accession (B) et par convention (A) telle que prévu par les articles 711 et 712 du code civil.

  1. la convention

La convention permettant de transférer la propriété d’un bien permet aussi de transférer la propreté d’un immeuble ou d’un terrain. Le mécanisme de transfert ne s’opère pas de la mêmefaçon selon qu’il s’agit de transférer la propriété d’une partie à l’autre ou de rendre ce transfert opposable aux tiers.

S’agissant du transfert de propriété par la convention,le principe est celui de l’instantanéité du transfert qui signifie que dès que les parties se sont entendues sur le prix de la chose,la propriété est considérée comme étant transféréemême si la chose n’est pas encore livrée et le prix effectivement payé par l’aliénateur. Le texte de principe est l’article 1138 du code civil qui dispose que : « l’obligation de livrer la chose est parfaite par le seul consentement des parties contractantes ou à la convention ;elle rend le créancier propriétaire et met la chose à ses risques dès l’instant où elle a du être livrée encore que la transmission (remise) n’en ai point été faite ».des lors que le contrat est conclu sur la chose,les risques pèsent sur l’acquéreur si la chose vendue et non encore livrée périt par cas de force majeur.La perte repose sur l’acquéreur qui sera néanmoins tenu de payer le prix ; les fruits naturels ou civils sont acquis à l’acquéreur ; l’acquéreur est en principe responsable en tant que propriétaire des dommages causés par le fait des choses acquises.

Il convient de faire remarquer qu’en droit camerounais, le transfert de propriété d’un immeuble par voie de convention n’est effectué qu’à partir de la signature devant un notaire de l’acte translatif de propriété.

Dans certains cas,le transfert de propriété peut être retardé après la conclusion du contrat soit par un obstacle matériel,soit par un obstacle juridique. Concernant le premier obstacle, l’immatriculation sera un obstacle au transfert de propriété d’un immeuble, parce que tant qu’elle n’est pas achevée par la délivrance d’un titre foncier, on considère que la propriété de cet immeuble n’est pas encore transférée.Pour le cas de l’obstacle juridique, les parties elles même peuvent introduire dans leur contrat une modalité tendant à retarder le transfert de la propriété. Elles peuvent par exemple stipuler que la propriété ne sera transférée qu’à la livraison ou jusqu’au paiement total du prix.

En ce qui concerne l’opposabilité de ce transfert aux tiers, le transfert de la propriété d’un immeuble n’est opposable aux tiers que si la convention ou contrat opérant transfert de propriété a été publié au livre foncier tenu à la conservation foncière.

  • l’accessionet l’héritage

La théorie de l’accession est fondée sur l’article 546 du code civil selon lequel « la propriété d’une chose immobilière donne droit à ce qu’elle produit et sur ce qui s’y uni accessoirement, soit naturellement,soit artificiellement », ce droit s’appelle droit d’accession. Le principe énoncé par l’article 542 n’est qu’une application du principe général « accesorium sequitir principale » qui signifie l’accessoire suit le principal.L’immeuble étant le principal, son propriétaire devient propriétaire de tout ce que l’immeuble produit et de tout ce qui vient s’unir à l’immeuble.Dans l’accession par production,les accessoires produits par l’immeuble constituent les fruits.Dans l’accession par incorporation,c’est hypothèse dans laquelle une chose indépendante vient s’unir à celle du propriétaire  du terrain pour former avec elle un unique objet de propriété à partir du principe «  superficie sole cedit » qui veut dire le sol l’emporte sur ce qui est sur la surface.

L’accession immobilière peut être naturelle ou artificielle : elle est naturelle lorsque l’incorporation de l’accessoire au principal résulte d’un phénomène de la nature sans intervention humaine.Exemple : le déplacement spontané des animaux ; ils appartiendront au propriétaire du sol sur lequel ils se trouvent ; elle  est artificielle lorsqu’elle résulte d’une activité humaine de construction ou de plantation. Ainsi, celui qui vient construire ou planter sur le terrain d’autrui perd la propriété de sa plantation ou de sa construction au profit du propriétaire du terrain.Alors que le propriétaire du terrain qui construit sur son terrain avec les matériaux d’autrui devient immédiatement propriétaire de ces matériaux même s’il les a volés ou ramassés.

Pour ce qui est de l’héritage, la transmission à cause de mort s’opère par l’effet de la loi ou par l’effet d’un testament,elle requiert,dans les deux cas, au préalable, l’ouverture de la succession du défunt.Une fois la succession ouverte, seules pourront être appelées les personnes qui justifient des qualités requises pour hériter.

En définitive,suite à la question que nous nous sommes posée à l’entame de notre sujet, celle de savoir comment onacquiert la propriété d’un immeuble,nous avons constaté tout au long de nos développements que la propriété d’un bien immeuble s’acquiert principalement par l’immatriculation,et subsidiairement nous avons présenté d’autres modes d’acquisition de la propriété d’un immeuble tels que la convention, l’accession et même aussi la transmission pour cause de mort. Cependant, tous ces développements ont suscités en nous une interrogation qui est celle de savoir : si le titre foncier est le document qui atteste de la propriété d’un bien immeuble, quels sont les cas dans lesquels ce titre peut être contesté ?

Mme DONFACK Audry Avocate-stagiaire