CABINET PASCAL JOGO

L’AVEU COMME PREUVE EN MATIERE PENALE

Définition : Selon l’article 315 (1) du Code de Procédure Pénale, l’aveu est une déclaration faite, à un moment quelconque, par la personne poursuivie et par laquelle il reconnait être l’auteur de l’infraction qui lui est reprochée ;

L’aveu peut être judiciaire lorsque la reconnaissance est effectuée devant le juge ou extrajudiciaire dans les autres cas ;

Jusqu’à la résolution française de 1789, l’aveu était considéré comme une preuve absolue comme la reine des preuves. En effet l’on estimait qu’il n’y a pas de preuves plus irréfutables que la reconnaissance par la personne poursuivie elle-même de sa culpabilité. Mais avec l’évolution des mentalités et en l’état actuel de la procédure pénale, l’aveu doit être considéré comme une preuve parmi tant d’autres sa suprématie étant devenue relative ;

Essentiellement révocable, la force probante de l’aveu n’est plus absolue. Nous allons, après examen des conditions de son admission (A) apprécier sa révocabilité (B) et enfin nous attarder sur sa force probante (C) ;

  1. LES CONDITIONS D’ADMISSION DE L’AVEU

Sous l’égide du Code d’instruction criminelle les autorités judiciaires recouraient systématiquement à la garde à vue et à la détention provisoire comme moyens de pression et d’intimidation pour arracher des aveux.

En dépit des bonnes dispositions de la loi n°2005/007 du 27 Juillet 2005 portant Code de Procédure Pénale, ces méthodes de torture de l’ancienne époque sont encore malheureusement utilisées dans certaines unités de police judiciaire comme l’illustre la tristement célèbre affaire Bello. ‘’Suspecté de tentative de vol de véhicule, le jeune BELLO Ibrahim interpellé et gardé à vue au poste de Police d’Ombessa a été brutalement interrogé, torturé et mutilé à la machette et à l’électricité dans cette unité de Police, ce qui lui a occasionné une amputation des deux jambes. Au terme d’une longue procédure, le Tribunal de Grande Instance de Bafia a, par jugement criminel du 06 Mai 2020, condamné l’Inspecteur de Police et l’Officier de Police ayant commis ces actes de torture, le 1er à 04 ans de prison ferme et le 2nd à 03 ans d’emprisonnement avec sursis pendant 03ans. Le Tribunal a par ailleurs condamné les 02 Policiers à verser la somme de FCFA 50.000.000 à la victime à titre de dommages et intérêts’’ ;

En effet, selon l’article 315 (2) du Code de Procédure Pénale, ‘’L’aveu n’est pas admis comme moyen de preuve s’il a été obtenu par contrainte, violence ou menace ou contre promesse d’un avantage quelconque ou par tout autre moyen portant attente à la libre volonté de son auteur’’ ! Suivant l’article 315(3), ‘’L’aveu fait volontairement constitue un moyen de preuve à l’encontre de son auteur’’.

Dans tous les cas, l’aveu extorqué ne peut être valablement reçu comme moyen de preuve. Il peut d’ailleurs, en application de l’article 3 du Code de Procédure pénale, entrainer la nullité de la procédure sans préjudice des sanctions disciplinaires ou pénales à l’encontre des professionnels fautifs.

Par contre si l’aveu est libre et non équivoque, le juge est fondé à le retenir comme moyen de preuve sauf s’il est rétracté par son auteur.

  • LE DROIT DE RETRACTATION DE L’AUTEUR

La personne mise en cause n’est jamais définitivement liée par les déclarations qu’elle a faites préalablement, c’est-à-dire que rien n’oblige le prévenu ou l’accusé à plaider coupable quand bien même il aurait reconnu les faits de la cause à l’enquête préliminaire ou à l’information judiciaire.

En fait, le droit de rétractation fait partie des droits reconnus à la défense.

La Cour de Cassation a reconnu et souligné ce caractère non définitif des aveux. Ceux-ci peuvent être rétractés à tout moment de la procédure et jusqu’à la clôture des débats au moyen (c’est-à-dire par) une déclaration.

Dans la perspective de l’exercice des voies de recours, la rétractation peut même intervenir après la décision de condamnation. Ainsi, ladite cour sanctionne les arrêts de condamnation motivés par la reconnaissance des faits exprimés au cours d’une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ayant échoué faute d’accord sur la peine. (cass.crim, arrêt du 17 Septembre 2008, n° de pourvoi : 08.80.598, Bulletin criminel 2008, n°188).

Elle (la cour) précise cependant que dans tous les cas les juges demeurent libres d’apprécier souverainement la valeur d’une telle rétractation.

(Cass.crim, arrêt du 18 Décembre 1969, n° de pourvoi : 6990341, Bulletin Criminel n°352).

  • LA FORCE PROBANTE RELATIVE DE L’AVEU

L’aveu fait volontairement constitue un moyen de preuve à l’encontre de son auteur. Toutefois, sa force probante, loin d’être absolue, est laissée à l’appréciation du Tribunal qui ne peut cependant l’admettre ou la rejeter que par décision motivée (art 315 al 3 et 4 cpp).

[TCS, arrêt n°006/CRIM/TCS du 13 Avril 2020 Etat du Cameroun (MINFI/PERCEPTION MELONG) C/ MAÏMOUNA DJEMBO Sidonie]

 [Tcs, arrêt n°006/CRIM/TCS du 13 Mai 2014 Ministère Public et Etat du Cameroun (MINFI) C/ ATANGANA ABEGA Apollinaire et Autres]

En conclusion donc, il revient au juge d’apprécier la régularité et l’exactitude d’un aveu. Si l’aveu est admis comme tel, il n’est qu’un moyen de conviction parmi tant d’autres dont la valeur est laissé à libre appréciation du juge. L’aveu n’est donc plus la reine des preuves. Loin d’être autosuffisant, il doit être conforté (c’est-à-dire renforcé) par d’autres moyens pertinents à rechercher par le juge.